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Dimanche  - Aleg - Kiffa - Ayoun el Atrous - 554 km - 8h17 de conduite

Durant une bonne partie de la nuit j'ai pesé le pour et le contre. Faut-il ou ne faut-il pas continuer si ce bruit mécanique persiste et s'amplifie ? Après demain je dois passer au Mali. J'aurai 200 km de route puis plus de 350 de piste assez rude, pour atteindre Bamako. Aucune ville importante avant. Sérieux dilemme que celui-ci. A froid, ce claquement ne se produit pas. Aussitôt que le moteur devient chaud il réapparaît. Durant toute la matinée je suis à l'écoute du mono. Le plus curieux est que le moteur fonctionne parfaitement bien et donne toute sa puissance à tous les régimes. J'y perds vraiment mon latin.

La chaleur, toujours accablante, m'oblige à transporter 3 ou 4 bouteilles d'eau avec moi.  J'ai tout de même bu près de 7 litres d'eau, aujourd'hui, sans pisser une seule fois de la journée. Je rêve de bière  bien fraîche, mais hélas, depuis l'Espagne le régime sans alcool reste le seul autorisé.

L'étape me semble cette fois interminable et je nage, comme toujours, dans la transpiration, tant mon blouson, tout comme le T-shirt, sont trempés de sueur. Les villages que traverse la route de l'Espoir sont minuscules et hélas reflètent la pauvreté de la population. En les traversant, le bitume laisse place à la terre, et l'on retrouve l'étroite piste d'origine avec ses maisons plantées de chaque côté. Boutilimit, Aleg ou Kiffa ressemblent plus à des décharges publiques qu'à des localités tant les immondices et les animaux emplissent les rues. Quant aux  habitants, ils me semblent agressifs et curieusement très racistes !

Il est cinq heures lorsque j'arrive à Ayoun el Atrous. Je traverse le village encombré et me dirige vers le campement, sorte de motel, terrain de camping. Après une âpre négociation je peux planter ma tente et prendre une bonne douche moyennant 1000 Ouguya (3.20 €, une fortune pour le pays). L'épicerie locale me fournissant un Coca bien frais, du pain et une malheureuse boîte de sardines.

La soirée se passe à l'établissement du bilan mécanique. La chaîne d'origine n'est vraiment pas suffisamment solide pour les longs parcours et malgré un graissage continuel, elle s'allonge chaque jour. Je vais devoir la changer sinon je risque de sérieux problèmes. En près de 9000 km elle avoue donc sa faiblesse. Le moteur quant à lui, mis à part ce curieux et incompréhensible claquement, fonctionne à merveille. Les consos d'huile et d'essence se situent aux environs de 3,60 litres au 100 pour l'essence et à zéro pour l'huile.

Bilan donc dans l'ensemble positif, pourtant j'hésite à continuer. En effet si je change la chaîne, je n'en aurais plus en secours, si le même problème d'usure persiste. Aucune chance d'en trouver une au Mali ou ailleurs.

Mais en réalité, le point qui m'inquiète le plus provient de ce bruit, d’autant plus que je ne suis pas encore arrivé à en déterminer l'origine. En passant au Mali, je vais attaquer de la piste dure, défoncée donc peu roulante, le moteur et la transmission vont donc être sollicités continuellement. Je risque de me retrouver bloqué au milieu de nulle part, moteur ou transmission cassé. Je connais suffisamment l'Afrique et sa mentalité pour savoir qu'un blanc en panne dans ces régions se trouve dans une situation similaire à celle d'un animal blessé dans la savane, les prédateurs étant à l'affût du moindre signe de faiblesse...

Ma décision d'abandonner si près du but me rend malade, mais le principe de précaution aidant, je la crois sage. Je vais donc faire demi-tour. L'aventure s'arrête là. N'ayant rien à prouver, je ne vois pas pourquoi je prendrai des risques inutiles.

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